L’absence de financements adaptés et durables peut empêcher une génération de jeunes gens innovants, entreprenants, productifs et engagés d’impacter positivement leurs communautés. Pamela Akplogan
Lorsqu’il y a quelques années, j’ai été confronté dans mon travail au financement de jeunes activistes et de leurs organisations, j’ai dû apprendre âprement sur le sujet, car l’importance qu’il faut n’est pas accordé à ce sujet crucial et personne ne semblait avoir des réponses claires à mes questions. Il y avait peu de données et très peu de documentation sur les bonnes pratiques. Il m’a fallu lire, poser des questions, écouter les jeunes eux mêmes, expérimenter des pratiques, faire des erreurs, documenter mon travail, proposer des approches radicales pour valoriser les jeunes et négocier l’adhésion des leaders/décideurs.
« Le manque d’investissement dans la jeunesse est un gaspillage économique et social. Si nous ne faisons pas davantage pour habiliter les jeunes à réaliser leur potentiel, nous perdrons des citoyens engagés, ce qui aura des conséquences négatives sur les économies et les sociétés à l’avenir.’’ Extrait du Rapport du PNUD sur les ressources mondiales de la jeunesse 2018
Sur la base d’une revue littéraire que j’ai pris du plaisir à (re)parcourir , il ressort globalement que:
- Le financement des organisations de jeunesse est souvent limité et instable, ce qui fragilise la planification et la réalisation de projets durables
- Les organisations de jeunesse sont excessivement dépendantes des subventions d’organisations internationales, ce qui entrave leur indépendance et autonomie. Ces subventions ne sont pas flexibles et ces organisations sont trop rigides pour expérimenter de nouvelles approches.
- Les organisations de jeunesse manquent de soutien et d’appui adaptés à leurs besoins et leur stade de développement
- Les organisations de jeunesse sont exclues du processus de décision en matière de financement, ce qui réduit leurs capacités à apporter leurs voix sur le choix des besoins auxquels répondre, à façonner les critères d’allocation des ressources et à orienter sur les moyens adéquats de mise en œuvre
- L’impact positif du financement des organisations de jeunesse sur les jeunes et leurs communautés n’est pas à démontrer. De même que l’agilité des jeunes à mettre en œuvre des projets dont les résultats atteignent des millions de personnes ne suscite aucun doute
Spécifiquement en Afrique :
- Selon l’Union africaine, seulement 1% de l’aide publique au développement en Afrique est destinée aux jeunes, bien que les jeunes représentent plus de 60% de la population
- Selon le PNUD Afrique, seulement 18% des organisations de jeunesse ont accès à un financement régulier dans le monde. Pour l’accès à un financement national ou régional régulier, l’Afrique du Nord compte 38 % et l’Afrique subsaharienne, seulement 10%
- Selon Restless Development, le financement des donateurs du Nord (Europe et Amérique – gouvernement, organisations internationales, fondations, etc.) représente en moyenne 64% du financement des organisations de jeunesse en Afrique et ce financement est annuel ou fixé sur le délai d’exécution d’un projet entre 3 à 12 mois. Les autres sources de financement sont les cotisations des membres (10%) et les subventions gouvernementales (8%).
- Selon l’ONU, la pandémie de COVID-19 a eu un impact négatif sur les financements des organisations de jeunesse en Afrique, avec 61% d’entre elles signalant une diminution ou l’absence de financements
- Selon la fondation Johnson & Johnson, seulement 4% des subventions des fondations sont destinées aux organisations dirigées par des jeunes et 70% sont destinées aux organisations de la société civile
- Selon l’OIT les organisations ne reçoivent qu’environ 1% des fonds publics consacrés à la formation, l’entrepreneuriat et l’emploi des jeunes
Le financement des jeunes et de leurs organisations est un sujet important qui doit être abordé, non pas comme une faveur, mais une urgence pour le développement. Cet article aborde le financement d’argent bien qu’existe le financement (matériel, humain, etc.)
Mes recommandations motivées par mon expérience, mes pratiques et mes connaissances :
- Reconnaître l’importance des organisations de jeunesse : Pour financer la jeunesse, il faut reconnaître l’importance des organisations de jeunesse au sein de la société, la puissance de leurs voix mobilisées et le rôle de la jeunesse en particulier dans la création de solutions innovantes, de richesse et d’opportunités.
- Établir des relations de partenariat : Privilégier des partenariats dont les termes sont durables et adaptés aux organisations de jeunesse plutôt que des subventions ponctuelles. Travailler en collaboration avec elles permet de mieux comprendre leurs besoins et leurs priorités. Les appels à projets ne sont pas suffisants
- Favoriser la flexibilité et la durabilité : Opter pour la flexibilité dans l’utilisation des fonds alloués, définir des critères standards de financements, atténuer les risques ou les absorber pour en alléger le poids sur les jeunes, simplifier les procédures et fluidifier la communication pour permettre aux organisations de jeunesse de construire des projets sur plusieurs années qui répondent à leurs réalités sans le stress de ne pas avoir assez de budget de mise en œuvre (cela sauvegarde également les communautés et les problèmes seront bien résolus)
- Assurer la transparence : Clarifier les critères et principes du financement ; développer des outils clé en main pouvant faciliter la gestion et la vérification financière pour permettre de mesurer périodiquement l’utilisation des fonds alloués
- Encourager l’inclusion des jeunes dans la gouvernance : Impliquer les organisations de jeunesse dans le processus de financement, afin de prendre les décisions sur le financement en collaboration avec les jeunes (plusieurs options sont envisageables : par consultation, par représentation, par constitution d’un comité, par expertise, etc.)
- Connaître les besoins des organisations de jeunesse : Se donner les moyens de consulter les organisations de jeunesse pour mieux comprendre leurs défis et leurs besoins spécifiques en matière de financement. Cela permet de mieux cibler le financement et de s’assurer que les ressources sont catalytiques ou optimales pour répondre à un problème réel
- Favoriser le renforcement des capacités : Former et accompagner la structuration et développement des organisations de jeunesse. Fournir des ressources, outils, ateliers et dédier un personnel compétent dans le travail avec les jeunes
- Encourager la diversification des sources de financement : Aider les organisations de jeunesse à renforcer leurs capacités en mobilisation de ressources pour accéder à d’autres financement afin de réduire la dépendance et la fragilité
- Soutenir la collaboration : Appuyer les organisations de jeunesse dans l’action collective afin de joindre leurs forces entre elles, y compris avec des organisations de la société civile et les encourager en finançant des projets communs.
- Mesurer l’impact et documenter les apprentissages : Evaluer les résultats et documenter les bonnes pratiques permet de mesurer l’efficacité du financement et de déterminer les perspectives d’amélioration pour les futurs financements.
Enfin, en tant qu’experte, JE RECOMMANDE DE CONCEVOIR UNE STRATÉGIE DE FINANCEMENT DES JEUNES QUI DÉFINIT DES AXES PRIORITAIRES. Ou d’inscrire cela dans une stratégie d’engagement des jeunes. Ces axes doivent être opérationnalisés dans un programme ou plan d’action, auquel doit être dédié à 100% de son temps un personnel compétent. La démarche à utiliser est celle de la co-création et de la conception centrée sur l’humain.
Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas un lien d’obligations entre les investisseurs et les organisations de jeunes. Toutefois, il y a un lien de redevabilité induit par l’existence même de l’industrie du développement.
#OsonsleChangement